Saint Grégoire le Grand, Moine, abbé, Pape, docteur et Père de l’Eglise
540 -604
Pape à partir de 590
Du patricien lettré, très doux et très pur au moine ardent
Saint Grégoire naît à Rome aux environs de 540, dans la noble et riche famille des Anicii. Famille très pieuse : il est neveu de deux religieuses mortes en odeur de sainteté et sa mère se retira du monde dans les dernières années de sa vie.
Etudes fort classiques : le jeune Grégoire est un fort en thème et aucune matière ne lui résiste : droit, bilingue en grec, dialectique, rhétorique, administration. Bossuet dira de lui que c’est le plus savant de tous les papes.
Pourtant ses brillantes études et sa carrière d’homme publique, couronnée par la charge annuelle très en vue de Préfet de la ville (vers 572 575) ne le satisfont pas : aux fastes d’une Rome encore éclatante, il préfère la méditation des Livres Saints, si bien que vers l’âge de trente ou trente cinq ans, il quitte le monde et se fait moine. Il gardera longtemps le regret d’avoir tant tardé à accomplir sa vocation.
La mort de son père en fait un très riche héritier : il dote six monastères en Sicile des terres familiales et transforme le palais paternel sur le Mont Caelius en un monastère dédié à Saint André, qui servait d’hôpital. Les lieux sont toujours là, à deux pas du Colisée, en face du Palatin : l’église est le siège des religieuses de Mère Teresa, juste retour des choses en hommage à la charité sans borne de Saint Grégoire.
On raconte qu’il n’a rien gardé de son luxe d’antan, qu’une seule écuelle en argent dans laquelle sa mère lui apportait des légumes chaque jour et qui ne tardera pas à disparaître dans les mains d’un pauvre homme qui avait fait faillite. Il sert lui-même les pauvres et mendie sa pitance.
Le nonce du Pape à Constantinople
Le Pape lui-même l’arrache à la douceur et à la rigueur du cloître pour l’envoyer comme nonce auprès de l’empereur de Constantinople. Sa mission diplomatique, peu aisée, est d’intéresser l’Orient aux malheurs de l’Occident et de les persuader de lui envoyer des renforts. Sur le plan strictement diplomatique, ce n’est pas un grand succès, mais pendant ces cinq années environ, Grégoire se lie d’amitié avec le nouvel empereur Maurice, et avec Saint Léandre, archevêque de Séville. Il avait aussi emmené des moines de Saint André pour continuer avec eux les observances monastiques. C’est pour ces moines qu’il prononcera à la manière de conférences édifiantes, le best seller du Moyen Age, les Moralia in Job, livre de commentaires sur le surprenant livre de Job.
Il rentre à Rome vers 585 ou 586, pour devenir un des principaux conseillers du Pape Pélage et abbé de son monastère du Caelius. Sous son abbatiat, l’austérité et la stricte observance de la pauvreté sont de règle. Le monastère est une véritable pépinière de futurs évêques ou saints bien formés par Grégoire, dont Saint Augustin de Canterbury.
Un jour, Grégoire croise sur un marché aux esclaves, un groupe d’enfants d’une stupéfiante beauté. Apprenant qu’ils sont Angles, et donc païens, il s’écrie : « Non dites plutôt des anges s’ils n’étaient sous l’emprise du démon ». Bouleversé, il court chez le pape obtenir le droit de partir lui-même évangéliser la lointaine et barbare Angleterre. Le Pape accepte puis se rétracte, on rattrape de justesse Grégoire et sa troupe de moines. Le projet mettra plusieurs années à se réaliser.
Du Caelius au Latran
En 589-590, Rome connaît des inondations terribles qui ne tardent pas à apporter la peste. Le Pape Pélage est une des premières victimes. Pour le remplacer, unanimement le choix se porte sur Grégoire, il refuse et déclare attendre la confirmation de l’empereur de Constantinople. En attendant, il prend la direction d’une ville désemparée « La mort frappe à coups redoublés, à nous à qui elle laisse le temps de pleurer livrons-nous à la pénitence » Il organise la « Litanie septiforme », immense procession qui part de sept églises différentes, réunissant tout le peuple en sept cortèges différents selon leur état de vie : clergé, moines, religieuses, hommes, femmes mariées, veuves, enfants… Les cortèges se rassembleront à la basilique dédiée à la Vierge Marie. De cet épisode, vient la statue d’un ange au-dessus du Château Saint Ange, car on avait vu un ange remettre son épée au fourreau, signe de la fin de la peste et le dernier verset de l’antienne Regina Caeli « Ora pro nobis Deum »
En septembre, le verdict de Constantinople tombe : malgré sa répulsion (il se terre trois jours dans une caverne) Grégoire devient Grégoire Ier le 3 septembre, premier pape moine de l’Histoire de l’Eglise.
Dans l’Eglise, la Foi est dans un état pitoyable après deux siècles d’hérésies : le donatisme tardait à mourir en Afrique et l’arianisme en Espagne trouvait encore quelques oreilles favorables. De plus sur le plan temporel, l’ancien Empire romain démembré depuis un siècle était dominé par des barbares. L’Italie est sans cesse menacé par les féroces Lombards.
Lui-même « ballotté par les vagues des affaires, » avec « la tempête qui gronde au-dessus de sa tête » aux commandes « d’un vaisseau vieux et tristement ballotté », pour redonner courage aux évêques, il écrit un « Pastoral », guide des devoirs de l’évêque qui eut un grand retentissement.
Un pontificat exceptionnel
Convaincu de l’urgence, il se montre très actif. Son œuvre est immense malgré la brièveté relative de son pontificat (14 ans), la faiblesse de sa santé, et le calvaire de ses dernières années.
L’œuvre spirituelle : le réformateur
Il ouvre dans chaque diocèse de sa juridiction un bureau de charité présidé par un diacre et lui-même reçoit à sa table 12 convives, dont il lave lui-même les mains et même une fois un treizième son ange gardien qu’il était le seul à voir.
Il restaure l’obligation de prêcher qui incombe à tout évêque et montre l’exemple dans chacune des stations de Rome. Les magnifiques « Homélies sur les Evangiles » en sont une trace. Comme sa santé était très faible, il avait d’abord envisagé d’écrire ses sermons et de les faire lire par un notaire, mais l’assistance était inattentive et il se décide à affronter le stress du direct, avec scribes qui prendraient en note ses paroles !
Il réforme le clergé romain : les diacres n’ont pas seulement le rôle de chantre, il ne doivent chanter que l’Evangile et il convient de les choisir pour d’autres raisons que leur belle voix, interdiction de prélever des droits pour l’ordination etc.
En matière de liturgie : addition de qq. mots dans la prière Hanc igitur du Canon (dernière modification de six mots et dispose ces jours dan la paix …) pater à la fin du Canon, Alléluia toute l’année sauf Carême, pas chasuble pour les sous diacres, encouragement du culte des reliques, réorganisation des textes liturgiques, compositions d’hymnes toujours employées dans l’office monastique…
Il met un peu d’ordre dans l’Eglise latine en envoyant des « vicaires apostoliques », rappelle l’intérêt des synodes, l’obligation du célibat du clergé, la discipline des évêques… Il semble bien que tout cela allait à vau l’eau au VI ème s en Italie.
Pour cela écrit plus de 800 lettres à l’épiscopat italien, à Virgile d’Arles (lettre sur la simonie, cad le commerce des sacrements), à Saint Augustin de Canterbury, en Espagne, Afrique (où subsistent des brides d’hérésies) ou Irlande persécutée. Dans ces lettres il se donne le titre nouveau de « serviteur des serviteurs ».
Le moine
Saint Grégoire pape reste un moine dans l'âme : il mène une vie régulière au Latran, encourage la stricte observance de la règle, (noviciat de deux ans pauvreté et détachement des affaires temporelles), il introduit le monachisme en Corse et protège les monastères de exigences des évêques, et introduit une distinction nette entre clergé paroissial et les moines acte qui est fondamental pour le développement futur des monastères ferment de Foi et roc du Moyen Age occidental. Dans son livre des Dialogues qui est une suite de récits édifiants, il écrit une vie de Saint Benoît, seule source contemporaine.
Il leur donne aussi une nouvelle mission, celle d’évangélisateur des Iles Britanniques, qui avaient déjà été évangélisées, mais que les invasions des angles, venus de Scandinavie avaient grandement paganisées. C’est un succès : en moins de deux ans, dix mille anglais sont baptisés, le roi et la reine convertis, une nouvelle église naît en Grande Bretagne.
Le vrai romain : un homme d’ordre
Homme mystique, Grégoire n’en fut pas moins un administrateur de talent : le patrimoine de Saint Pierre, s’agrandit et est habilement géré, avec ces nouvelles ressources, il fait procéder au rachat des captifs tombés aux mains des Lombards, secourt les affamées très nombreux en ces temps troublées.
Il est un soutien politique du peuple italien, devant l’incurie de Ravenne, lors des incursions des Lombards. Leur chef, le cruel Agilulf devant les murailles de Rome, fait demi tour, impressionné par la grandeur qui se dégage de Grégoire. Le Pape négocie alors la paix. Pendant ces années très difficiles, il entreprend la méditation du Livre d’Ezéchiel, continuant son œuvre exégétique en commentant chapitre par chapitre le texte.
Pour autant, il n’y a pas de collusion avec le pouvoir temporel : les deux participent au bien commun, chacune dans sa sphère. Il n’hésite pas à se plaindre et à recourir au bras séculier pour réprimer les abus (Hérésie, schisme ou paganisme), mais réprimande les évêques qui se mêlent des affaires temporelles.
Les dernières années de sa vie (il a soixante ans passés) sont un calvaire pour lui : il est perpétuellement affligé d’intense douleurs physiques qui l’obligent à garder le lit sauf pour célébrer la messe, à ses soucis de santé s’ajoutent ceux de voir la désolation due aux barbares.
Il meurt le 12 mars 604.
Fête le 12 mars, corps dans la Chapelle Clémentine à Saint Pierre.
Patron des chantres, très vénéré, le pape modèle après St Pierre, nombreuses représentations au Ma avec sa colombe sur l’épaule. Grand rayonnement de ses écrits au Moyen Age : les homélies sur les Evangiles, les dialogues. Reconnu comme saint par les Eglise d’Orient.
En conclusion
Pape d’une brûlante actualité :
- Changement civilisation, épaves de civilisation romaine qui vont être fécondées pour donner naissance au Moyen Age
- Son enseignement (dons du Saint Esprit, vices et vertus, établissement d’une règle de vie pour l’homme mondain, équilibre entre temporel et spirituel)
- Une réforme liturgique, une mise à l’honneur des règles liturgiques (chant, textes, rôle de chacun à l’autel),
- Un désengourdissement du clergé rappelé à ses obligations et à sa vocation de sainteté.
- Des pénitences publiques pour conjurer les malheurs qui s’abattent sur la cité
- Une grande fermeté devant les invasions en même temps qu’une ouverture et une intégration des éléments non romains dans l’Eglise (Angles, Wisigoths d’Espagne)
- L’importance de la vie intérieure : moine comme modèle missionnaire et apostolique, méditation des textes de l’Ecriture, (méditation simple d’ailleurs).
Bref un géant dans l’établissement de la cité de Dieu, un père dans la Foi, un guide dans la sainteté, un pasteur.
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